"C’est ça le problème avec les humains, à la racine de tout. La vie court à leurs côtés, inaperçue. Juste à côté. Créant l’humus. Recyclant l’eau. Échangeant des nutriments. Façonnant le climat. Construisant l’atmosphère. Nourrissant, guérissant, abritant plus d’espèces vivantes que les humains ne sauraient en compter."
Richard Powers, L’Arbre-Monde[1]
L’esthétique, qui procède de la sensation, du sentir et du culturel, est une mise en contact. Elle renvoie à un au-delà de la dualité, à des correspondances entre microcosme et macrocosme, à des alliances de l’être humain avec l’univers, à un « réenchantement poétique » qui semble s’être éloigné de la ville. Dans son roman Désert, J.-M. G. Le Clézio fait une description féroce d’une ville devenue inhabitable : « Les hommes ici ne peuvent pas exister, ni les enfants, ni rien de ce qui vit[3] ». Ici les hommes ont peur. « Cela se voit à la façon qu’ils ont de marcher en rasant les murs, un peu déjetés comme les chiens au poil hérissé. La mort est partout sur eux [...], ils ne peuvent pas s’échapper[4]. » Ici, il n’y a ni amour, ni pitié, ni beauté, ni douceur. Que peut-on souhaiter à cet univers désolant ? « Le vent va peut-être arracher les toits des maisons sordides, défoncer portes et fenêtres, abattre les murs pourris, renverser en tas de ferraille toutes les voitures. Cela doit arriver car il y a trop de haines, trop de souffrances[5]. » Ce monde périra faute de beauté, d’amour, de lumière, d’union au monde.
Pour Le Clézio, la beauté, c’est le monde de la nature, les arbres, les rochers, le ciel, le vent, le fleuve ou la mer, et surtout la lumière, les étincelles de lumière du soleil qui vivifient mais peuvent aussi brûler[6].