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La Covid-19, les canicules démontrent l’insuffisance spatiale de nos solutions architecturales et urbaines modernes : des lieux standardisés et pauvres en termes d’usage ; des flux de piétons réduits à des circulations trop compactes, unidirectionnelles, donc imposées ; un entassement dans des habitations dédiées aux fonctionnalités de base (manger, dormir, s’installer devant la télé, etc.), où le rapport à l’extérieur, dans le meilleur des cas, se traduit par un balconnet riquiqui pour stocker quelques bouteilles de bière en hiver et quelques plantes en pot en été, mais ne permettant aucune activité…
Autant il a été impossible de prévoir la pandémie, autant l’insuffisance de nos villes a été amplement décrite, notamment dans les ouvrages de Thierry Paquot, Désastres urbains (La Découverte, 2015) ou La Folie des hauteurs (François Bourin, 2008). Que pouvons-nous attendre d’agglomérations où priment le mercantilisme et la spéculation financière ? Dans ce contexte, la vision communautaire utopiste, rarement réalisée, reste pleinement d’actualité.
Chacun rêve de cette ville qui, d’un geste protecteur et amical, pourrait prendre soin de ses habitants en toutes circonstances, de logements dépassant la simple notion d’abris chauffés, afin de procurer des émotions et du plaisir.
« La cité est une grande maison et, inversement, la maison elle-même est une toute petite cité dont les membres, à leur tour, peuvent être considérés comme de petits logis[1]. » Cette phrase de Leon Battista Alberti sera « réénoncée, quatre siècles plus tard, en termes pratiquement identiques, [par] le premier théoricien de l’urbanisme, Ildefonso Cerdà[2] ».
En des termes différents, Aldo van Eyck s’est lui aussi emparé du concept « maison est ville et ville est maison » : « Arbre est feuille et feuille est arbre – maison est ville et ville est maison – un arbre est un arbre mais il est aussi une grande feuille – une feuille est une feuille, mais elle est aussi un petit arbre – une ville n’est pas une ville tant qu’elle n’est pas une grande maison, une maison est une maison seulement si elle est aussi une petite ville[3]. »
L’homme-citoyen/citadin, son confort et son plaisir se trouvent au centre de cette pensée bienveillante basée sur le respect et l’attention vis-à-vis des gens. Pourtant, si le terme « cellule » constitue dans le langage actuel le synonyme de l’appartement, faisant ainsi référence (de manière sans doute inconsciente) à la cellule carcérale ou à celles du cancer, il démontre à quel point l’équilibre précieux entre la ville et son logis est difficile à atteindre.
Sans tomber dans la nostalgie des villes anciennes, leur complexité et l’attention qui y était portée à l’homme servent, dans certains cas, de leçon. Ainsi d’Apricale, une petite bourgade piétonne à flanc de colline dans la vallée de la Nervia, en Ligurie. Trois terrasses : la plus haute, plantée, est celle du prince ; un étage plus bas, il y a deux places minérales, décalées d’un niveau, chacune avec son église. Ces trois espaces sont dans une grande proximité visuelle. Sept ruelles rejoignent ce centre du village, sans qu’il soit facile de les détecter en vue aérienne, car les habitants ont choisi – peut-être était-ce aussi en raison de problèmes sismiques ou d’un terrain difficile – de construire au fur et à mesure de l’agrandissement des familles au-dessus des ruelles et venelles, produisant un jeu de clair-obscur. Les passants sont ainsi protégés des pluies en hiver et de la chaleur en été. Et si le Théâtre de Gênes a choisi ce cadre naturel de places et ruelles pour ses spectacles en août, c’est bien parce qu’il est propice à l’échange, à la communication. L’utile et l’agréable en même temps.