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Toute ressemblance avec des personnages réels et des situations vécues est fortuite...
Quand le président Macron annonce le début du confinement pour le 17 mars 2020, Colette se rend compte qu’elle va être confinée avec ses deux enfants dans un appartement parisien de 40 m2 sans balcon ni jardin. Elle réalise tout à coup que son appartement deviendra son quotidien.
Le coût psychologique de vivre dans un espace si réduit la pousse dès les premiers jours du confinement à chercher à gagner de l’espace dans son logement. Elle décide donc d’investir le couloir qui mène à son appartement. Elle y installe des étagères pour y ranger ses chaussures et un porte-manteaux pour y mettre des habits. Par ce geste, elle s’est approprié un espace commun et a déplacé l’entrée de son logement en dehors du logis, ce qui lui a permis de gagner de précieux m2. Quand Solène sa voisine, réalise ce que Colette avait fait, elle décide elle aussi d’investir le couloir et d’y installer quelques plantes qu’elle avait et d’exploiter la lumière naturelle du couloir ainsi elle gagne assez de place pour se créer un espace de travail chez elle. Marc qui vit sur le même palier, les imite toutes deux et commence à y laisser son vélo.
Quelques jours plus tard, Marc réalise qu’il a besoin de réparer son vélo, il s’installe alors dans la cour de l’immeuble afin d’être plus à l’aise. Comme il a beaucoup de travail et de temps pour remettre son vélo d’aplomb, il choisit de faire d’un coin de la cour son atelier réparation. Il y laisse donc une étagère pour entreposer ses outils. Un petit coin de bricolage voit ainsi le jour alors que tous les habitants de l’immeuble commencent petit à petit à y mettre leurs propres outils. Au cours de la semaine, la cour devint de plus en plus animée et bientôt pourvue de petits bancs en bois que les voisins ont réalisés grâce aux outils mis à disposition. Cet endroit devint si agréable qu’au cours de la deuxième semaine du confinement Colette décide d’y emmener ses enfants Rafaël et Clémence pour jouer et sortir un peu de l’appartement. Quelques parents la rejoignent avec leurs propres enfants et se retrouver dans la cour devint un nouveau rituel. Mais les habitants de l’immeuble étant confinés, il fallut s’organiser pour ne pas déranger toute la journée les voisins qui sont exposés aux bruits que les enfants font en jouant dans la cour. Les parents instaurent donc un temps de récréation dans l’après-midi. Ainsi, les enfants peuvent se retrouver à une heure fixe tous les jours pour jouer entre eux sur une plage horaire définie si bien que la cour n’est pas constamment bruyante.
Pendant que les enfants jouent, les parents se retrouvent souvent dans le hall afin de les surveiller tout en discutant. Colette y retrouve ainsi des voisines et des voisins de qui elle prend des nouvelles. Le hall devint ainsi, leur lieu de rendez-vous. Une petite table basse et quelques tabourets en rotins sont bientôt amenés afin de prendre le thé. Un jour, Mme Clogenson apporta du thé à la menthe qu’elle faisait pousser dans des jardinières sur sa fenêtre. Colette se dit qu’il était fort dommage de ne pas avoir d’espace où faire du jardinage. Elle en discuta d’ailleurs avec Mme Clogenson à ce sujet qui partageait son avis, « L’immeuble manque cruellement d’espaces verts si vous voulez mon avis. » Elles eurent alors l’idée de lancer une garderie pour plantes. Les habitants de l’immeuble qui devaient s’absenter pourraient y laisser leurs plantes que les voisins arroseraient.
Quelques jours plus tard, alors qu’elle discute avec son voisin Éric qui vit au dernier étage, celui-ci lui apprend qu’il y avait une grande terrasse sur le toit. Tous les habitants de l’immeuble furent fort intéressés par cette information, puisqu’à la différence de la cour, la terrasse devrait être exposée au soleil. Quand Colette s’y rendit, elle réalisa qu’il s’agissait d’une vaste terrasse exposée au soleil avec une vue sur Paris. Elle prit l’initiative d’y amener quelques transats. Elle y retourna ainsi plusieurs fois pour prendre des bains de soleil, profiter de la vue et se retrouver avec quelques-uns de ses voisins. Avec le temps, les habitants de l’immeuble amenèrent de plus en plus de choses, du mobilier, des parasols... Ils se cotisèrent même pour acheter des jardinières et mirent ainsi en place un jardin partagé où tout le monde avait la possibilité de faire pousser des plantes. Ainsi, pendant le confinement, le quotidien de Colette et ses enfants au sein de l’immeuble était devenu beaucoup plus agréable et un véritable esprit de communauté s’y était développé.
La condition des Parisiens vivant dans des petits appartements est d’ordinaire rendue acceptable grâce à l’accès aux espaces collectifs au sein de la ville. Pour autant, pendant le confinement, les habitants des grandes villes ont perdu leur accès à ces espaces qui participent grandement à l’attractivité de la ville : parcs, commerces, équipements publics ect... Face à la perte de cette ressource portée par la ville dense, les habitants des immeubles d’habitations se sont organisés pour recréer ces espaces et les usages qui leur sont associés au sein de leur immeuble et par la même occasion ont étendu les limites de la sphère privée en dehors des limites du logement. Cela a demandé de recalibrer les relations avec les voisins ce qui a permis de développer de nouveaux liens entre les individus mais aussi de nouveaux usages dans l’espace commun. Le confinement a ainsi joué le rôle de catalyseur et a forcé la rencontre avec autrui au sein de l’immeuble. Mais si dans le cas de l’expérience du personnage fictif Colette, des solutions pour combler le manque d’espace ont été trouvées, cela a été possible dans la mesure où les espaces communs au sein de l’immeuble avaient des qualités qui ont permis une réappropriation. Le couloir de Colette disposait d’une fenêtre, les dimensions du hall étaient suffisantes pour s’y retrouver à plusieurs et l’immeuble disposait d’une cour et d’un toit terrasse. Fort de ce constat, la question est maintenant : comment faire en sorte de construire aujourd’hui des immeubles de logements qui peuvent porter de tels usages et valeurs sociales dans un contexte où la rentabilité des espaces bâtis constitue le premier critère de l’acte de construire. Cette réflexion sur la place et la qualité accordée aux espaces communs au sein des immeubles de logements paraît d’autant plus importante qu’un nouveau confinement est à redouter.