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Pour fonctionner une ville a besoin d’organisations sociales fortes et d’un bon environnement. Un bon environnement est l'espace qui rend la vie urbaine supportable, l'organisation sociale est ce qui nous fait coopérer en tant que société, ce qui permet à notre voisin de venir nous offrir son aide. L’organisation sociale nécessite une certaine proximité, sans générer trop de promiscuité.
La pandémie nous a éloignés mais elle nous a aussi montré qu'il n'y a pas seulement l'individu d'un côté et la société dans son ensemble de l'autre. Qu’il existe une multitude de constellations intermédiaires qui peuvent s'avérer vitales pour notre survie. Que l'individu ou le grand groupe seuls ne peuvent pas résoudre tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui et que nous devons nous organiser à différentes échelles.
Cela impacte aussi l’espace physique de la ville. Penser que de bons espaces privés (le logement) et de bons espaces publics (la rue, la place ...) sont suffisants est illusoire. Nous avons besoin d'espaces collectifs et leur organisation spatiale peut encourager la création de nouvelles relations. La cour d'un immeuble collectif, la coursive extérieure qui sert d'extension à l'appartement, l’entrée généreuse sont autant d'espaces qui peuvent s'avérer essentiels dans notre capacité à développer des liens avec les autres. Appelons cela la vie rapprochée, ou comment redéfinir la proximité et la collectivité dans une époque d’éloignement.
La taille moyenne du logement en France est passé de 68 m² en 1970 à 90,9 m² en 2013, soit une augmentation de 33%. En même temps la taille des ménages s’est réduite de 3,08 à 2,2 ce qui veut dire qu’une personne occupait en moyenne 22 m² d’espace de vie en 1970 contre 41,3 m² en 2013 (source INSEE).
Cette augmentation de la taille du logement vient-elle d’un réel désir de plus d’espace ? La conception commune est que plus c'est grand, mieux c’est. D'un point de vue individuel, plus d’espace équivaut plus de liberté. Mais plus d'espace équivaut aussi des factures d'énergie plus élevées, plus de nettoyage, plus d'entretien, etc.
Il n'y a aujourd’hui aucune preuve directe que la taille de l’espace de vie seule est un facteur déterminant dans notre bien-être. Si les politiques publiques de ces dernières décennies avaient été différentes, par exemple plus strictes sur l’étalement et moins portées sur la propriété privée, le logement aurait peut-être évolué différemment : plus de flexibilité, une meilleure conception des espaces, une meilleure localisation… Tout cela aurait pu offrir autant de liberté que l’espace.
Depuis le début de la pandémie nous entendons dire que les gens vont de nouveau s’orienter vers des espaces de vie plus larges, que si nous devons demain passer plus de temps à la maison celle-ci doit être plus grande et que la taille des logements neufs en France (aujourd’hui 69,4 m² en moyenne soit un espace de vie moyen par personnes de 31,5 m²) n’est pas supportable. Nous raisonnons encore à l’anticipation et nous avons tendance à anticiper pour le mieux et pour le plus : peut-être un deuxième enfant, peut-être le télétravail, peut-être des amis à accueillir, peut-être se mettre enfin au sport…
Mais si nous devions prévoir le pire, ce qui d’après tous les climatologues est susceptible de se produire, nous ne chercherions peut-être pas plus d’espace. Acheter une maison plus grande pour se sentir mieux lors d'un futur confinement est tout simplement absurde. Oui, nous sommes susceptibles d’être reconfinés à l’avenir et nous devrons passer plus de temps à l'intérieur notamment en raison de températures extrêmes, mais vouloir plus gros et consommer plus ne fera qu'accentuer davantage ce phénomène.
A la place, nous devons stopper l’engrenage. Le problème du logement ce n’est pas simplement sa taille. Le problème c’est que les fenêtres sont trop petites, que les WC sont trop grands, que le balcon ne s’accroche à la façade que comme un accessoire et que l’on n’a que trop peu de relations avec l’extérieur. Le problème c’est le manque d’adaptation à des besoins humains évolutifs et à des constellations collectives variables. Plus qu’un grand logement, nous avons besoin d’un logement dans lequel nous pouvons nous adapter. Un appartement de 74 m² * qui peut évoluer de trois à six pièces et qui offre à la fois les possibilités d’isolation totale et une relation forte avec le collectif peut s'avérer plus généreux qu’un 100 m². Et l’adaptabilité se trouve autant dans l’organisation du plan de l’espace privé que dans les entre-deux où nous fabriquons les liens avec le monde extérieur.
Demain, nous aurons besoin d’être à la fois proches et distants les uns des autres. La ville permet cela.
*la taille « supportable » d’un logement pour quatre personnes d’un point de vue écologique selon l’article « New Conceptions of Sufficient Home Size in High-Income Countries: Are We Approaching a Sustainable Consumption Transition? » de Maurie J. Cohen paru récemment dans le journal « Housing, Theory and Society »
La pandémie nous a éloignés mais elle nous a aussi montré qu'il n'y a pas seulement l'individu d'un côté et la société dans son ensemble de l'autre. Qu’il existe une multitude de constellations intermédiaires qui peuvent s'avérer vitales pour notre survie. Que l'individu ou le grand groupe seuls ne peuvent pas résoudre tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui et que nous devons nous organiser à différentes échelles.
Cela impacte aussi l’espace physique de la ville. Penser que de bons espaces privés (le logement) et de bons espaces publics (la rue, la place ...) sont suffisants est illusoire. Nous avons besoin d'espaces collectifs et leur organisation spatiale peut encourager la création de nouvelles relations. La cour d'un immeuble collectif, la coursive extérieure qui sert d'extension à l'appartement, l’entrée généreuse sont autant d'espaces qui peuvent s'avérer essentiels dans notre capacité à développer des liens avec les autres. Appelons cela la vie rapprochée, ou comment redéfinir la proximité et la collectivité dans une époque d’éloignement.
La taille moyenne du logement en France est passé de 68 m² en 1970 à 90,9 m² en 2013, soit une augmentation de 33%. En même temps la taille des ménages s’est réduite de 3,08 à 2,2 ce qui veut dire qu’une personne occupait en moyenne 22 m² d’espace de vie en 1970 contre 41,3 m² en 2013 (source INSEE).
Cette augmentation de la taille du logement vient-elle d’un réel désir de plus d’espace ? La conception commune est que plus c'est grand, mieux c’est. D'un point de vue individuel, plus d’espace équivaut plus de liberté. Mais plus d'espace équivaut aussi des factures d'énergie plus élevées, plus de nettoyage, plus d'entretien, etc.
Il n'y a aujourd’hui aucune preuve directe que la taille de l’espace de vie seule est un facteur déterminant dans notre bien-être. Si les politiques publiques de ces dernières décennies avaient été différentes, par exemple plus strictes sur l’étalement et moins portées sur la propriété privée, le logement aurait peut-être évolué différemment : plus de flexibilité, une meilleure conception des espaces, une meilleure localisation… Tout cela aurait pu offrir autant de liberté que l’espace.
Depuis le début de la pandémie nous entendons dire que les gens vont de nouveau s’orienter vers des espaces de vie plus larges, que si nous devons demain passer plus de temps à la maison celle-ci doit être plus grande et que la taille des logements neufs en France (aujourd’hui 69,4 m² en moyenne soit un espace de vie moyen par personnes de 31,5 m²) n’est pas supportable. Nous raisonnons encore à l’anticipation et nous avons tendance à anticiper pour le mieux et pour le plus : peut-être un deuxième enfant, peut-être le télétravail, peut-être des amis à accueillir, peut-être se mettre enfin au sport…
Mais si nous devions prévoir le pire, ce qui d’après tous les climatologues est susceptible de se produire, nous ne chercherions peut-être pas plus d’espace. Acheter une maison plus grande pour se sentir mieux lors d'un futur confinement est tout simplement absurde. Oui, nous sommes susceptibles d’être reconfinés à l’avenir et nous devrons passer plus de temps à l'intérieur notamment en raison de températures extrêmes, mais vouloir plus gros et consommer plus ne fera qu'accentuer davantage ce phénomène.
A la place, nous devons stopper l’engrenage. Le problème du logement ce n’est pas simplement sa taille. Le problème c’est que les fenêtres sont trop petites, que les WC sont trop grands, que le balcon ne s’accroche à la façade que comme un accessoire et que l’on n’a que trop peu de relations avec l’extérieur. Le problème c’est le manque d’adaptation à des besoins humains évolutifs et à des constellations collectives variables. Plus qu’un grand logement, nous avons besoin d’un logement dans lequel nous pouvons nous adapter. Un appartement de 74 m² * qui peut évoluer de trois à six pièces et qui offre à la fois les possibilités d’isolation totale et une relation forte avec le collectif peut s'avérer plus généreux qu’un 100 m². Et l’adaptabilité se trouve autant dans l’organisation du plan de l’espace privé que dans les entre-deux où nous fabriquons les liens avec le monde extérieur.
Demain, nous aurons besoin d’être à la fois proches et distants les uns des autres. La ville permet cela.
*la taille « supportable » d’un logement pour quatre personnes d’un point de vue écologique selon l’article « New Conceptions of Sufficient Home Size in High-Income Countries: Are We Approaching a Sustainable Consumption Transition? » de Maurie J. Cohen paru récemment dans le journal « Housing, Theory and Society »
Susanne Eliasson, Juin 2020