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« Des errements du monde ou nous sommes, les réfugiés ne sont-ils pas devenus le meilleur point d’observation ? Affirmation, dans l’exode même, d’identités collectives appelant à une conscience humaniste sans frontières - qui se heurtent aux xénophobies et, à tout le moins, aux égoïsmes de citoyens installés. Dans ce combat toujours inégal, les moyens matériels, juridiques, politiques, sont inévitablement insuffisants pour faire triompher, mieux qu’au coup par coup, l’exigence d’humanité. Observons toutefois que celle-ci est indéracinable, et que le bénévolat associatif pèse autant qu’il le peut sur le rapport de force. »[1]
Cette citation, rédigée dans le cadre du volet historique du « Photographe de Mauthausen », dont la sinistre histoire des réfugiés espagnols venus en France au cours de la seconde guerre mondiale nous ramène aisément à celle de l’actualité contemporaine.
Aujourd’hui des milliers de migrants venus du « Sud » traversent au péril de leurs vies des déserts, la mer, les frontières fermées de l’Europe qui sont de véritables murs, et se retrouvent regroupés dans des situations d’hébergement précaires. Les camps de Calais et Grande-Synthe sont des exemples marquants de cet échec. Leur démantèlement a été un élément déclencheur à de nouvelles réflexions sur l’accueil des migrants.
La ville de demain devrait pouvoir accueillir ces personnes, même dans des conditions transitoires, selon les « canons élémentaires » de la dignité humaine.
En quoi serait-il nécessaire d’agir, en transformant des bâtiments délaissés, vacants ou vides, dans l’optique de répondre à de nouveaux besoins?
En quoi serait-il possible de penser une proposition d’habitat qui s’inscrit dans la pérennité pour les migrants en France, à travers la transformation de bâtiments délaissés?
Il semblerait qu’il existe une véritable ambiguïté autour de la notion d’urgence. «L’urgence» sert de prétexte. Tant que l’on reste dans une politique de gestion de crise et que l’on ne se projette pas à long terme dans la mise en place d’un processus d’accueil complet, il est difficile de trouver de vraies solutions. Le fait de regrouper des personnes pendant une durée indéterminée, dans des situations précaires, entrainent des problèmes à toutes les échelles et n’est plus de l’ordre de l’urgence. Le but n’est pas ici de dire que le camp ou les structures institutionnalisées d’hébergement sont de mauvaises solutions, mais ce sont des options qui doivent rester provisoires.
Il est nécessaire de trouver des solutions qui s’inscrivent dans la pérennité: ne plus héberger mais véritablement « loger ». Le problème qu’il est nécessaire d’éclaircir autour de la distinction entre les deux notions d’« héberger » et de « loger » est l’ambiguïté qui prédomine. Cette dernière est la résultante de l’instabilité politique sur la question de l’accueil des migrants. Même avec une démarche de projet approfondie, un hébergement reste lié à une situation éphémère d’urgence et ne peut être considéré comme une proposition satisfaisante à long terme.
Il semble donc qu’il y ait un réel enjeu sur le fait de proposer aux demandeurs d’asile et réfugiés politiques une solution d’habitat digne.
D’après les chiffres de l’INSEE, dans les grandes villes françaises, 2,6 millions de logements sont vides et 77 000 logements sociaux sont vacants. Dans 55% des villes moyennes, le taux de vacance des commerces est supérieur à 10%. En 2015, 622 000 m² de bureaux étaient disponibles à Paris et en 2016, l’Ile-de-France comptait 140 hectares de friches industrielles.
Face aux coûts d’immobilisation des terrains et des bâtiments vacants, les initiatives « d’urbanisme transitoire ou de transition » se multiplient. Une prise de conscience est en train de s’opérer. Les espaces vides, « friches en devenir », abandonnés, font désormais l’objet d’une attention particulière et sont devenus une nouvelle base de projet.
L’émergence de projets pilotes solidaires tel que l’exemple parisien des « Grands Voisins » à travers la réappropriation et la transformation d’un ancien site hospitalier, fait ressortir le réel besoin qui existe. Ces expériences urbaines, riches d’enseignement, permettent d’ouvrir une nouvelle voie des possibles. Elles servent de laboratoire à une ville différente, plus ouverte, créative et accueillante.
D’un côté, le nombre important de tentatives révèlent une réelle volonté d’avancer en tendant vers un processus qui s’inscrit dans la pérennité, de l’autre le contexte politique global n’est pas encore prêt à s’emparer de la question de l’accueil de manière complète et assumée et ces projets expérimentaux sont encore majoritairement pris en charge par des associations et d’autres acteurs pluridisciplinaires.
Comment, face à un afflux croissant de migrants, réfugiés politiques et bientôt réfugiés climatiques, peut-on généraliser une telle proposition d’accueil? Est-ce que les structures d’hébergement temporaires ne peuvent-elles pas rester des solutions d’urgence, des solutions transitoires, avant de pouvoir proposer des logements dignes de ce nom?
La question de la dignité du logement est centrale dans la fabrication de la ville de demain. Comment réussir à offrir cette possibilité, ce droit à tous? Une partie de la réponse semble se trouver dans le fait de réutiliser, de réhabiliter, de recycler l’existant en créant de nouvelles filières. Penser une architecture « simplifiée », économique et solidaire. « La problématique des migrants et de leur accueil peut nous amener à pousser la logique du développement durable jusqu’au bout, comme cela n’a jamais été fait auparavant.»[2]