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(re)découvrons notre paysage quotidien Le confinement a imposé une liberté conditionnelle aux habitants dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile. Ce périmètre restreint a mis en relief la place prépondérante du paysage dans nos parcours quotidiens. Forcés de réduire nos distances de déplacement tout en augmentant nos distances sociales, nous avons appris à redécouvrir ces parcours en leur donnant un nouveau rôle et en y renouvelant notre capacité d’observation, d’usage et de projection.
L’espace public de proximité est devenu de fait le lieu principal de nos déambulations. Nous y avons recherché l’aventure, le jeu et l’évasion. Nous avons rencontré le besoin de sortir, non pas pour aller quelque part mais pour simplement être dehors et ressentir le monde à notre portée. L’espace alloué à la voiture, quant à lui, nous est apparu encore plus cruellement disproportionné.
(ré)inventons notre espace public
La ville est devenue étouffante. Aménager la ville par secteurs et la considérer comme une succession de services produit des espaces publics dissociés et désarticulés. Les parcs, jardins publics, étangs communaux et boisements ont été considérés comme des équipements, au même titre que les bibliothèques, les cinémas, les stades. L’espace public laissé en libre accès en ville s’est ainsi limité aux trottoirs, parkings, parvis, places et chemins.Il a donc fallu réinventer ces espaces et y renouveler notre manière de vivre pour qu’ils deviennent plus habitables. Ils ont pris de la valeur en quelques semaines. Une valeur qu’il faut préserver et amplifier. Il nous semble évident à présent que ce ne sont pas les équipements qui constituent la ville mais les vides qui les articulent. C’est cette matrice d’espaces libres et accessibles qu’il faut reconsidérer comme une entité, comme un tout, comme un paysage continu et diversifié connecté à nos sphères privées.
Et demain ? Créons une matrice des espaces libres
Depuis le déconfinement, nous retrouvons le plaisir de passer un temps illimité au dehors, associé au sentiment de liberté que cela procure. Cette expérience démontre que la ville doit être pensée à taille humaine en considérant en priorité les continuités du vivant dans les aménagements urbains. Pour y parvenir il convient de tricoter une nouvelle ville dans la ville, en reliant les vides qui la constituent. Cette approche par le vide permettra de rendre la ville plus durable, plus habitable, et plus active.Inventorions ce vide, par quartier, par commune, et donnons lui la forme d’une cartographie des interstices et des espaces libres, pour que cette matrice prenne du sens aux yeux des décideurs et devienne un enjeu majeur de la ville de demain. Cette matrice du vide existera en parallèle des réseaux routiers pour créer une ville dans la ville, où chaque espace délaissé prendra de la valeur et deviendra un maillon des continuités du vivant. Elle facilitera les déplacements quotidiens et constituera un paysage diversifié et à taille humaine. Elle permettra de :
- - renforcer les continuités douces existantes en dissociant les parcours piétons et cycles des itinéraires routiers ;
- - redonner un usage aux trottoirs, places, parvis, pieds d’immeubles et coeur d’îlot, en les considérant comme le prolongement du dedans et donc comme des espaces accueillants et appropriables par tous, où la convivialité et le jeu seront les priorités ;
- développer une approche multi-usages de l’espace public et oser la réversibilité de certains sites tels que les cours d’écoles et les cimetières pour augmenter la capacité de la ville à accueillir ses habitants ;
- - reconvertir les friches et les délaissés artificialisés, souvent surdimensionnés, en espaces utiles à l’échelle locale et territoriale, pour la pratique agricole ou forestière et la ressource vivrière ;
- - utiliser les espaces verts communaux (massifs de plantation, alignements de bords de routes, pelouses, jardinières, rond points) comme des supports pédagogiques et pratiques pour initier les habitants à la biodiversité et au cercle vertueux de la nature en ville.
Mélanie Gasté, Mai 2020