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De toutes parts, on interroge chacun d’entre nous sur le jour d’après.
La lumière allait-elle revenir et nous éclairer après cette éclipse ? Les évidences d’hier seraient-elles les ombres portées d’aujourd’hui ? Le jour d’après a toutes les chances d’être, par notre addiction aux sucres du surpoids, de la surproduction, de la surconsommation, des surprofits, la reprise effrénée des habitudes d’hier.
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Faut-il reconstruire l’avant pour l’après ? Et l’après peut-il être autre qu’avant ?
Mais cet avant dont on parle, c’est notre maintenant, ce sont nos façons de nous accorder ou non des compromis et des arrangements auquel est soumis tout métier.
Pour le savoir, le plus simple serait d’établir une liste de nos pratiques avec trois cases à cocher :« oui », « non », « je ne sais pas ». Si les oui l’emportent, c’est que l’après aura un fort goût d’avant.
Si les indécis s’imposent, que penser d’une profession aussi couarde ?
Mais surtout, en plus des pratiques, interrogeons-nous sur les structures.
Le Japon - pour prendre exemple- compte des architectes de statut international, mais si l’on observe plus avant sa structure professionnelle et qu’on en reporte la projection sur la France, seuls quelques centaines d’architectes indépendants survivraient le jour d’après. L’essentiel de la production serait assuré par des majors, à l’image de ce que nous avons déjà connu dans le bâtiment.
Quelques questions, parmi d’autres ; à chacun, à chacune d’y répondre.
Aujourd’hui, alors que le dixième des habitants de la France est mal logé, que tout autant sont pauvres, que l’école ne donne plus à tous – et pas aux décrocheurs – l’éducation qu’elle est sensée assurer, que notre système de santé peine à faire face à une épidémie prévisible, interrogeons-nous. Toujours plus ou désespérément mieux, tel est le dilemme : choisirons-nous – il faut l’espérer – le contrat social d’un nouveau partage ? On ne peut assurer le droit au logement, le droit à l’éducation, le droit à la santé selon les logiques marchandes des flux tendus.
Un logement construit pour durer cent ans – dont nous sommes garants pendant trente ans – doit-il être un produit maximisant le profit ? Quid de son évolution ? De sa surface ? « Un beau 3 pièces de 57 m² » ? disent les brochures promotionnelles et les architectes qui les cautionnent. Quid de l’existence d’une cuisine, de son éclairage naturel, de celui des salles de bains comme des corridors mortifères qui aujourd’hui distribuent la plupart des logements ?
Quel doit être le statut du sol en ville ? Pourquoi faut-il l’exproprier alors que le paiement d’un loyer dissociant la propriété et l’usage : usufruit et la nue-propriété, réduiraient le coût des logements ?
Comment nommer un architecte dépossédé du contrôle de son chantier, confié à des bureaux d’exécution ?
Pourquoi faut-il que des maîtrises d’œuvre compétentes : architectes et ingénieurs, soient contrôlés par des bureaux qui – de fait – n’engagent pas leur responsabilité ? bureaucratisant ainsi tout le processus constructif.
Pourquoi le choix d’un projet doit-il se faire non sur le respect d’un budget mais sur le taux d’honoraires le plus bas ? Et pourquoi, les concours publics prennent-ils cette donnée comme première, avant même tout projet ?
A chacun de poursuivre…Aux trois-huit du métro-boulot-dodo, doit succéder la prise en compte du travail bénévole, de la solidarité, de l’attention aux autres qui créent de la valeur et non de la plus-value.
Chemin étroit, chemin de crête, mais il n’y en a pas d’autre à ce jour pour continuer notre vie dans un monde qui ne peut plus supporter le saccage et la goinfrerie que notre mode de vie lui impose.
Paul Chemetov, Mai 2020