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La Cueva de las Manos, Patagonie, Argentine
Nous savons (presque) tout sur le Covid et avons tous un avis sur ce qu’il faut faire demain.L’ampleur de l’épidémie et la situation précaire dans laquelle tant de personnes se trouvent, nous enjoignent à faire mieux, beaucoup mieux. Pendant ce temps, certains proposent un moratoire sur les mesures environnementales…
Sans attendre le Covid, la construction a pris le tournant du respect de l’environnement. Le cadre et les orientations sont là, mis en œuvre timidement et de manière sporadique.
Bien sûr, construire des bâtiments bas carbone et basse consommation, coûte plus cher. Et comme les investisseurs ne semblent pas prêts à réduire leurs marges, et les acheteurs n’ont pas les moyens d’acheter plus cher… Il faut faire plus avec moins.
Les architectes et les ingénieurs savent penser et dessiner une ville bas carbone, en gommant le différentiel de prix de la construction environnementale. Mais l’impulsion des donneurs d’ordre, publics comme privés, n’est pas toujours là.
Quant à aller encore plus loin, vers une architecture plus radicale, une ingénierie inventive, des projets moins clinquants, beaucoup plus bruts, c’est peut-être à nous d’être plus convaincants pour aider les donneurs d’ordres à sortir de leurs standards.
Avant de construire environnemental, nous devons moins construire, et privilégier la réhabilitation. C’est une évidence, comprise dans la plupart des grandes villes, Paris en tête, mais encore peu mise en œuvre. Les haussmanniens et les bâtiments industriels du début du XXème siècle ont déjà eu trois ou quatre vies. Leur bilan carbone est imbattable si on le ramène à une seule vie !
Ces exemples doivent nous inspirer pour mieux construire. Nous calculons très précisément les dépenses énergétiques des projets, mesurons le bilan carbone nécessaire à les construire, mais ne prenons pas en compte une qualité essentielle des bâtiments : être recyclables.
Nous sommes encore dans les balbutiements des architectures transformables au gré du temps et des besoins. Si cette intention existe au moment des concours et concepts, elle disparait trop souvent dans le développement du projet, pour les raisons que l’on imagine.
Qualité environnementale, durabilité, bas carbone, mais aussi mixité, ville productive, smartgrids, et tant d’autres intentions et belles idées... Tout existe… Mais nous nous contentons souvent d’ajustements mineurs. Nous verrons si les discours des dernières semaines seront suivis d’effets.
Plus grave, nous choisissons nos combats, concentrant nos efforts sur une part très faible de la production.
Les immeubles de logements obtiennent de beaux labels, cautionnant la construction de centres d’affaires, de centaines de kilomètres de routes inutiles qui les innervent, d’ouvrages d’arts à l’ingénierie sans garde-fous environnementaux, d’équipements sous employés en miroir de ceux de la commune voisine, ou d’aéroports dont nous commençons à douter de l’utilité.
Au quotidien aussi, nous consommons et le gâchons, beaucoup.
Consommer moins et mieux s’applique à tellement de choses : le chauffage, la climatisation, les niveaux d’éclairement, l’électroménager, les écrans, les voitures, les habits, les objets peu utiles, le recyclage.
Cela impacte ce que nous construisons et réduit les énergies en jeu, les réseaux électriques, les ondes, les parkings, les surfaces de rangement, les grandes surfaces, les routes …
La tâche est immense pour sortir d’une société tournée avant tout vers la consommation.
En réfléchissant à ces sujets, et lisant tout ce que je lis depuis des semaines, je pense plus encore à tous ceux qui nous regardent, hébétés, raconter tout ce que nous devrions faire mieux sans le faire, alors qu’ils aimeraient avoir le luxe de se fixer ce genre d’objectifs.
Nous applaudissons nos infirmières et personnels des services publics le soir a vingt heures, sans accepter de payer plus d’impôts pour augmenter leurs salaires.
Nous créons de la dette, alors que nous l’avons refusée il y a dix ans à nos voisins en difficulté.
Nous abandonnons nos ainés seuls dans des établissements impersonnels, avec les conséquences sanitaires désastreuses que nous vivons actuellement.
Comment penser un plus beau monde demain alors qu’une majorité de personnes ne s'en sortent pas ou sont mises de côté ?
Je ne sais pas s’il faut parler d’augmenter les impôts, de revenu universel ou d’autres formes de solidarité, mais toutes nos belles ambitions ne valent que si nous répartissons mieux la richesse. Il ne s’agit pas d’un parti pris idéologique ou politique, mais d’une évidence.
Plus encore que mieux construire, ou moins consommer, nous devons partager.
Les moins aisés ont aussi le droit d’habiter dans des immeubles confortables et respectueux de l’environnement, et avoir le luxe de choisir de moins consommer, …
Et comme le Covid ne va pas réduire les inégalités, il y a urgence.
Daniel Vaniche, Mai 2020