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Questions
I-La ville historique offre une variété d’espaces, de constructions et de parcours dont la valeur d’ensemble dépasse la patrimonialisation pour accéder au mythe de l’héritage : qu’en est-il de la ville moderne : un produit à l’obsolescence programmée ?II Quand la ville perd ce pourquoi elle nous a massivement attiré (les services de proximité, l’anonymat du promeneur, les distractions, le « spectacle » de la rue, …) que lui reste-t-il ?
III Comment a été conçu l’habitat de la multitude : concentration ou concrétion ?
IV Pourquoi parle-t-on aujourd’hui d’objets, de boîtes, lorsque l’on parle d’architecture ; pourquoi les architectes se focalisent-ils sur l’œuvre (ou sur la recherche de la nouveauté pour la nouveauté) plutôt que de répondre à «ce qu’habiter veut dire » (KLASEN 2018), aux attentes pourtant connues de habitant (HEIDEGGER 1951, BACHELARD 1981, SALIGNON 1992, RICŒUR 1998) ?
Axiome
Seule la beauté pourra soigner le monde !
Depuis pas mal de temps, je pense que le seul projet capable de nous permettre d’affronter la complexité du monde sans le subir, d’assumer la vocation globalisante de la civilisation industrielle avec notre besoin d’être localisé (nous ne sommes plus les filles et les fils du soleil et du vent), et de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain (c’est à dire les bienfaits de la science avec les désastres environnementaux que son usage immodéré ou malveillant a produit), je pense donc fermement que le seul projet à favoriser est de promouvoir la beauté !
Et à toutes fins utile, j’emprunte à C. BEAUDELAIRE la définition de la beauté (in Le peintre de la vie moderne) :
« Le beau est fait d’un élément éternel, invariable, dont la quantité est excessivement difficile à déterminer et d’un élément relatif, circonstanciel, qui sera, si l’on veut, tour à tour ou tout ensemble, l’époque, la mode, la morale, la passion. »
Historiquement c’est la recherche de la beauté qui a donné une exemplarité positive à certaines époques de notre histoire. Ce résultat remarquable a souvent été atteint en exploitant autrui. Comment demain en partager les usages et la production : en remettant au cœur de nos pratiques le travail, non comme une peine, une charge, un emploi mais comme un acte collectif et créatif.
Rappelons-nous le travail de la terre et l’édification de nos cités, par des générations de femmes, d’hommes mais aussi d’enfants, avec pour seule ressource leur propre corps et pour seul objectif leur survie, cet emménagement qui permet de recevoir actuellement sur la terre une population de près de 7,7 milliards, alors qu’elle n’était que de 1,8 milliard au début du XXème siècle. Certes tout n’est pas comptable en termes de bénéfices, et surtout à parts égales pour tout le monde, loin s’en faut ; mais j’observe que dans cette situation de disparité, la laideur se voit plus dans certains lieux que dans d’autres. Et que si parfois (souvent…) la laideur est le résultat d’une consommation excessive et irréfléchie, elle est presque toujours le résultat d’une extrême pauvreté ; en cela les excès (consommation sans vergogne et pauvreté subie devant les écrans de l’abondance) se rejoignent dans une malheureuse dégradation du monde.
Ni la densité de population entre les pays (la densité de la SUISSE est plus de cinq fois supérieure à celle des USA, presque douze fois celle de l’ALGÉRIE …), ni l’objectivité supposée de l’Economie (?) ne suffisent à expliquer ce non-sens humain qui consiste toujours à remettre à demain ce que nous savons tous : c’est ici et maintenant que nous vivons, et qu’il n’est point de vie heureuse sans un environnement apaisé et beau.
A ce que j’ai pu glaner, je comprends que la première cause de la pandémie c’est quand même notre incurie et la laideur qu’elle traine derrière elle : vastes marchés d’animaux vivants dont une grande partie d’animaux sauvages, diminution des habitats naturels et donc destruction de la biodiversité et des barrières naturelles à la propagation virale, agriculture industrielle, appauvrissement des sols et diminution alarmante des aides naturelles (insectes, végétaux, champignons, oiseaux, etc. …), humains entassés dans des environnements débilitant (Disneyland ou Word en étant un merveilleux exemple) , la rencontre avec l’Autre remplacée par la course à l’image, principes de précaution oubliés par économie (avec un petit « e ») ! Tout cela était déjà d’une extrême laideur avant d’être d’une irresponsabilité collective dramatique. Et ne cherchons pas de bouc émissaire, c’est trop facile, même en nous retranchant derrière notre contagieuse et dangereuse procrastination !
La laideur du monde se voit chaque fois que l’Autre est exclu ; quand l’homme est nié dans son humanité (tueries organisées, besoins vitaux non satisfaits, déplacements imposés, gouvernements scélérats, masses mal éduquées, spoliées, …) et quand la nature est sans cesse contingentée, ignorée et méconnue …
Quand éthique et esthétique sont reléguées dans le placard aux accessoires.
Nous aurons donc à nous occuper du soin à apporter à ceux qui nous entourent, mais aussi à ce qui tient et fait le collectif : l’artificiel (la ville), le vivant et sa condition domestique (l’agriculture, l’élevage mais aussi les jardins et les parcs), le vivant et son état sauvage (la nature et ce que nous ne comprenons pas). Nous allons donc être très occupés. Sans hiérarchiser, il va falloir des bras et des terres pour se nourrir (en finir avec les intrants chimiques et les machines lourdes qui écrasent les sols et le vivant invisible qui nous aide à les conserver comme cultivables), pour recycler nos espaces en nouveaux lieux et nos déchets en ressources ; pour se soigner sans crise et se distraire sans détruire ; apprendre toujours et rechercher sans cesse …
Jean-Yves Quay, Mai 2020