Le jeu dans la ville est un vecteur d’aménagement reconnu et courant qui répond à tous les objectifs d’un développement durable. Il développe l’intergénérationnel en s’adressant à tous, nous sort de nos écrans petits ou grands, et soutient notre santé. Il répond ainsi au besoin d’une époque.
Les expériences récentes à Rennes comme à Lyon* démontrent qu’il est aujourd’hui un motif de paysage identifié. Il est aussi un objet commercial attrayant dont le marché mondial s’est emparé.
Ce jeu public et gratuit se double ainsi en France d'un jeu privé et marchand, des parcs d'attraction aux enseignes de restauration rapide.
Rennes, parc de la Zac de Baud (Projet Agence Osty Paysagistes-concepteurs conçu par l'agence D'ICI LA PAYSAGE, 2020 ; photo VAD Lyon) ; Ilot Mazagran à Lyon (Atelier de Ville en Ville, 2016 ; photo Le Moniteur)
La crise les a tous condamnés, du parc urbain au square de quartier, du Jardin d’Acclimatation du bois de Boulogne au fastfood du coin de ma rue.
Le jeu dans la ville est ainsi orphelin depuis 7 semaines de tous ses équipements, des plus innovants aux plus banaux, et les premières images télévisées des journalistes au lendemain du 15 mars ne s’y sont pas trompées.
Les professionnels de l'aménagement ludique sur-mesure, paysagistes-concepteurs, architectes, designers, serruriers, menuisiers, contrôleurs techniques, aimeraient bien que le monde d'après révèle la faible valeur ludique de nos aires de jeux « à la française », en opposant l’unicité qu’ils pratiquent, à la répétition massivement embrassée par les acteurs économiques. Ils souhaiteraient un réveil des consciences contre toutes les surfaces stériles (les tapis de mousse colorés faussement adaptés) et les structures catalogues pour faire réapparaitre le monde du jeu d'avant la marchandisation mondialisée et des normes tyranniques (antérieur à 1993). Mais ces aires de jeux « à la française » nous manquent finalement tellement peu, que tel notre plein de gasoil hebdomadaire, nous ne les avons pas vu disparaître de notre quotidien. Nous les usagers de la ville, nous sommes simplement « purgés » et défaits de cette offre non essentielle.
Alors que nous a appris le confinement de nos parcours dans la ville ?
Que 1 km et 1 heure nous permettent individuellement de découvrir toutes nos ruelles et nos placettes que nous méconnaissions, quand les liaisons secondaires ne sont pas fermées de façon abusive par nos élus soucieux de leur seule responsabilité ;
Que nos jardins publics sont fermés à cause de leur capacité à nous réunir et nous faire vivre ensemble ;
Que le jeu est partout, de ma rue à mon salon, et que seuls comptent les valeurs de parcours et de déplacement corporel que je sais reproduire dans le mince espace offert par mon autorisation légale de sortir.
Mais aussi du point de vue des utilisateurs et des pratiquants, que :
Les traceurs de parkour ont avant tout besoin de préparer leurs balades urbaines, à l'appui de leurs comptes Instagram et de StreetView, avant d'ouvrir leur propre voie dans la ville ;
Les pratiquants de callisthénie, cette gymnastique urbaine, peuvent télé-pratiquer et débordent d'inventivité dans leurs quelques mètres carrés de terrasse ou de jardin ;
Le skate ambitieux d'Aurélien Giraud continue de nous impressionner avec une figure inédite sur une table-basse ;
Comptes Instagram : Aurélien Giraud ; RidingZone ; 04/2020
Les enfants et leurs parents peuvent bouger sans prescription, et construire des parcours d'escalade ou des balançoires en toute sécurité dans leur salon ;
La structure de jeu répétitive et standardisée que m'offre cette aire de jeu « à la française » est loin d’être indispensable à mon bien-être.
Non vraiment, seuls mes camarades de jeux font défaut à mon plaisir et mon extase. Mes espaces publics offerts par la Collectivité sont donc bien les seuls essentiels à mon bien-être et support à mon développement.
Alors dans ce monde d'après, peut-on imaginer que le jeu dans la ville devienne :
- Déployé partout, sans contingence et limitation, sans astringence ni répétition, du trottoir à la venelle, de l'allée à la placette, investissant et accompagnant les plantations d'arbres, mettant enfin l'enfant dans la ville dans le plus grand respect de sa personne ;
- Systématiquement sur-mesure, exclusif et unique, issu de l'imagination que les concepteurs ont appris à stimuler dans les écoles de leurs vingt ans, mais que les habitudes professionnelles font si vite mettre de côté ;
- Évolutif et co-construit, en écoutant la parole des utilisateurs réunis en communauté, à l’image des skateurs qui dessinent leurs propres infrastructures avec des professionnels attentifs, le jeu pour enfants est objet de débat public, de rêves et de choix ;
- Intégré et partie prenante de l’aménagement et de la valorisation du site, composant de véritables « paysages ludiques » à l’image de ces réalisations exemplaires que nous offrent des commandes ambitieuses telle celle du maire de Kingersheim Jo Spiegel pour son Parc des Gravières.
Le Park des Gravières (Empreintes paysagistes et I.Devin architecte, 2014) ; photo DR ProUrba et Vortex France
· Voir : https://espaces-ludiques.com/jouons.php
Les expériences récentes à Rennes comme à Lyon* démontrent qu’il est aujourd’hui un motif de paysage identifié. Il est aussi un objet commercial attrayant dont le marché mondial s’est emparé.
Ce jeu public et gratuit se double ainsi en France d'un jeu privé et marchand, des parcs d'attraction aux enseignes de restauration rapide.
Rennes, parc de la Zac de Baud (Projet Agence Osty Paysagistes-concepteurs conçu par l'agence D'ICI LA PAYSAGE, 2020 ; photo VAD Lyon) ; Ilot Mazagran à Lyon (Atelier de Ville en Ville, 2016 ; photo Le Moniteur)
La crise les a tous condamnés, du parc urbain au square de quartier, du Jardin d’Acclimatation du bois de Boulogne au fastfood du coin de ma rue.
Le jeu dans la ville est ainsi orphelin depuis 7 semaines de tous ses équipements, des plus innovants aux plus banaux, et les premières images télévisées des journalistes au lendemain du 15 mars ne s’y sont pas trompées.
Les professionnels de l'aménagement ludique sur-mesure, paysagistes-concepteurs, architectes, designers, serruriers, menuisiers, contrôleurs techniques, aimeraient bien que le monde d'après révèle la faible valeur ludique de nos aires de jeux « à la française », en opposant l’unicité qu’ils pratiquent, à la répétition massivement embrassée par les acteurs économiques. Ils souhaiteraient un réveil des consciences contre toutes les surfaces stériles (les tapis de mousse colorés faussement adaptés) et les structures catalogues pour faire réapparaitre le monde du jeu d'avant la marchandisation mondialisée et des normes tyranniques (antérieur à 1993). Mais ces aires de jeux « à la française » nous manquent finalement tellement peu, que tel notre plein de gasoil hebdomadaire, nous ne les avons pas vu disparaître de notre quotidien. Nous les usagers de la ville, nous sommes simplement « purgés » et défaits de cette offre non essentielle.
Alors que nous a appris le confinement de nos parcours dans la ville ?
Que 1 km et 1 heure nous permettent individuellement de découvrir toutes nos ruelles et nos placettes que nous méconnaissions, quand les liaisons secondaires ne sont pas fermées de façon abusive par nos élus soucieux de leur seule responsabilité ;
Que nos jardins publics sont fermés à cause de leur capacité à nous réunir et nous faire vivre ensemble ;
Que le jeu est partout, de ma rue à mon salon, et que seuls comptent les valeurs de parcours et de déplacement corporel que je sais reproduire dans le mince espace offert par mon autorisation légale de sortir.
Mais aussi du point de vue des utilisateurs et des pratiquants, que :
Les traceurs de parkour ont avant tout besoin de préparer leurs balades urbaines, à l'appui de leurs comptes Instagram et de StreetView, avant d'ouvrir leur propre voie dans la ville ;
Les pratiquants de callisthénie, cette gymnastique urbaine, peuvent télé-pratiquer et débordent d'inventivité dans leurs quelques mètres carrés de terrasse ou de jardin ;
Le skate ambitieux d'Aurélien Giraud continue de nous impressionner avec une figure inédite sur une table-basse ;
Comptes Instagram : Aurélien Giraud ; RidingZone ; 04/2020
Les enfants et leurs parents peuvent bouger sans prescription, et construire des parcours d'escalade ou des balançoires en toute sécurité dans leur salon ;
La structure de jeu répétitive et standardisée que m'offre cette aire de jeu « à la française » est loin d’être indispensable à mon bien-être.
Non vraiment, seuls mes camarades de jeux font défaut à mon plaisir et mon extase. Mes espaces publics offerts par la Collectivité sont donc bien les seuls essentiels à mon bien-être et support à mon développement.
Alors dans ce monde d'après, peut-on imaginer que le jeu dans la ville devienne :
- Déployé partout, sans contingence et limitation, sans astringence ni répétition, du trottoir à la venelle, de l'allée à la placette, investissant et accompagnant les plantations d'arbres, mettant enfin l'enfant dans la ville dans le plus grand respect de sa personne ;
- Systématiquement sur-mesure, exclusif et unique, issu de l'imagination que les concepteurs ont appris à stimuler dans les écoles de leurs vingt ans, mais que les habitudes professionnelles font si vite mettre de côté ;
- Évolutif et co-construit, en écoutant la parole des utilisateurs réunis en communauté, à l’image des skateurs qui dessinent leurs propres infrastructures avec des professionnels attentifs, le jeu pour enfants est objet de débat public, de rêves et de choix ;
- Intégré et partie prenante de l’aménagement et de la valorisation du site, composant de véritables « paysages ludiques » à l’image de ces réalisations exemplaires que nous offrent des commandes ambitieuses telle celle du maire de Kingersheim Jo Spiegel pour son Parc des Gravières.
Le Park des Gravières (Empreintes paysagistes et I.Devin architecte, 2014) ; photo DR ProUrba et Vortex France
· Voir : https://espaces-ludiques.com/jouons.php
Antoine d’Argentré, Mai 2020