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© Krisztina Papp
La pandémie de Covid-19 a soulevé de nombreuses questions autour du sujet de la densité urbaine et de son rôle dans la propagation du virus. Cette nouvelle menace semble être, pour beaucoup, une menace spécifiquement urbaine.
Il s’agit pourtant d’une croyance erronée risquant de conduire à des réponses inutiles, voir dangereuses.
Les chiffres ne montrent pas de lien cohérent entre la densité des grandes villes et les impacts du Covid-19. Certaines des mégalopoles les plus denses du monde – Hong-Kong, Séoul, Singapour pour ne citer qu’elles – pourtant attaquées par le virus, se sont révélés presque totalement hermétiques à ce dernier. Le port du masque, la distanciation physique culturelle et l’hygiène y sont ancrés dans les mœurs et auront, en premier lieu, permis à ces villes proches de la Chine d’être moins vulnérables.
Et pour les villes aux comportements plus « occidentaux », la planification, la préparation et l'action précoce se révèleront avoir été des facteurs bien plus déterminants que la densité, dans la gestion de la 1ère phase de l’épidémie ; celle qui permet ou non la croissance mécaniquement exponentielle qui s’en suit.
C’est ainsi que New-York et San Francisco, les deux villes les plus denses des Etats-Unis, présentent des résultats totalement opposés à ce jour ; les mesures de confinement ayant été prises de manière bien plus précoce (au regard de l’avancée du virus) en Californie.
« La densité n’est pas la promiscuité. »
Bien au contraire, l'environnement urbain dense permet aux villes de concentrer plus facilement les ressources et les services sociaux nécessaires en cas d’épidémie. Les habitants y ont un accès plus rapide aux soins de santé, principalement aux hôpitaux. Et lorsqu'elles sont nourries par des infrastructures « sociales », les villes peuvent générer des réseaux de liens sociaux qui sauvent des vies, luttent contre l'isolement et atténuent les effets des catastrophes.
Et dans cette phase de questionnements, nous avons souvent tendance à confondre densité et promiscuité.
Les inégalités auront été un facteur bien plus aggravant que la densité au cœur de cette catastrophe. De Paris à Chicago et de Londres à Singapour, la pandémie de coronavirus fait des ravages disproportionnés sur les personnes âgées bien sur, mais aussi les pauvres, les marginalisés et ceux qui occupent des emplois peu rémunérés mais souvent vitaux. Ce virus tue, mais il nous rappelle surtout que les inégalités aussi, tuent.
Ce n'est pas la densité elle-même qui est clé, mais le type de densité et la façon dont elle influe sur le quotidien, au travail ou chez soi. Il y a une énorme différence entre la densité riche - où les gens peuvent se loger sur place chacun dans une chambre, surfer sur Zoom ou Teams pour poursuivre leur activité en évitant tout contact à force de commandes sur Amazon et Deliveroo - et la densité pauvre – dans laquelle les gens s’entassent chez eux, dans les magasins mais aussi dans les transports faute d’avoir un travail réalisable à distance.
« La ville compacte. »
Quelles leçons tireront nous, collectivement, de la pandémie ?
Bien sur, tout sera prêt pour la prochaine pandémie virale : tests, masques, respirateurs et médicaments seront désormais stockés à profusion et leur production largement relocalisée. Indépendance stratégique oblige.
Mais pour la Ville, quelles leçons en tirer ? C'est une période d'innovation et de transformation qui s’ouvre.
La compacité urbaine est urgente car la limitation de l'usage des voitures à travers la maîtrise de l'étalement et de la mobilité est une condition nécessaire de la durabilité des villes. Une densité accrue signifie plus de possibilités de quartiers piétonniers et de transports en commun sans voiture, ce qui réduirait la pollution. La densité signifie des trajets plus courts et moins de conduite, ce qui entraîne moins de congestion, moins de décès sur la route et moins d’impact de la pollution sur la santé des habitants. Qui est resté en ville durant le confinement aura compris que l’espace public laissé aux voitures est une hérésie et qu’il faut donner, aux habitants, plus de place pour vivre.
La densité, composante de la ville bas carbone, c’est avant tout un inversement de logique : l’étalement urbain doit cesser d’être la règle et devenir l’exception. Exception strictement encadrée notamment par l’existence de moyens de déplacement en mobilité douce pour rejoindre un des centres.
Car la ville dense, c’est aussi une ville polynucléaire, dans laquelle les fonctions habituellement concentrées dans un centre ville unique sont dispersées dans plusieurs autres centres, formant des districts urbains reliés entre eux en mobilités douces performantes.
La ville dense c’est également plus de logements, le long de lignes de transport en commun et proches des différents centres donc près des emplois.En réduisant l'étalement, en ajoutant davantage de logements et, idéalement, en réduisant les temps de transport, la densité s'attaque à un effet pervers : le déplacement de logements abordables plus loin des centres et donc des opportunités.
La ville dense c’est enfin une ville en paix avec sa propre ruralité puisque son approvisionnement alimentaire local est un des enjeux de sa survie.
Puisque toutes les villes ont vocation à se densifier, mais que chacune à son histoire urbaine propre, il n’est pas possible de chercher un modèle statique d'une forme urbaine durable. Nous devons trouver les chemins forcément complexes au travers des liens entre densification, inclusion, formes urbaines et mobilité, la ville dense nous mènera sur le chemin de la vie durable.
La crise du Covid-19 nous offre une seconde chance que la crise climatique qui s’avance n’offrira pas.
Matthias Navarro, Mai 2020