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Vraiment maintenant-maintenant. Maintenant seulement. Pas maintenant-demain.
Nous n’avions jamais le temps. Un petit virus nous en a donné.
Les villes étaient bruyantes, stressantes, polluées. Un germe a réduit la circulation au silence.
Les obligations professionnelles et sociales nous fatiguaient. Un agent infectieux nous en a détachés.
Nous étions soumis à la compétition sociale. Un micro-organisme l’a relativisée.
La promiscuité, les bises et les files d’attente nous étaient pénibles. Une toxine nous tient maintenant à distance [1] les uns des autres.
Nous avions un sérieux problème de surconsommation. Une particule furtive a tempéré nos ardeurs à tout posséder.
La mondialisation, qui nous infligeait autant de mal que de bien, est remise en question par une minuscule infection.
Nous étions en surchauffe. Une fièvre collective nous propose un temps de répit.
Nous étions un peu assassins des autres espèces, il faut bien le reconnaître. À la faveur d’un invisible parasite, à peine un être vivant, d’une grippe pas si mortelle que ça, les voilà un peu plus tranquilles.
La fièvre ne date pas de 2020. Quand un organisme subit l’agression d’un parasite, il monte en température pour s’en débarrasser. C’est la fonction primordiale de la fièvre. Et pour la terre, qui est un organisme vivant, le réchauffement climatique est moins dangereux que pour nous autres.
Et si les parasites, c’était nous, plutôt que lui ?
Les appels au changement, au monde d’après et autres injonctions risquent d’être vains si nous ne savons pas voir le changement qui s’est déjà présenté, et qui nous impose déjà un régime de lenteur et de décroissance, pour le pire comme pour le meilleur.
Que pouvons-nous y faire ? Continuer à ralentir. Prendre soin de tous. Des malades et des maladies, des patients et des parents, des gentils et des affreux, des riches et des pauvres, des femmes et des hommes, des enfants surtout, des plantes et des animaux enfin. Pas avec des cadeaux et des gadgets. Pas avec des voitures et des ordinateurs, pas avec des gouvernements et des programmes. Avec le respect, l’humilité, et le partage. Avec des jardins et des paysages, puisque c’est là que nous allons tous finir. Surtout quand les vacances seront du passé.
Tourner une page, faire défiler le paysage. Les plus grands plaisirs sont les plus simples.
Si chacun de nous est un parasite en puissance, chacun de nous est aussi un jardin. Les mots que nous mettons sur les choses, comme bien ou mal, nous les font voir autant qu’ils les occultent.
Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Il faudrait peut-être maintenant se décider à entendre ce que les virus, les enfants, les plantes et les animaux ont à nous dire.
- Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.
-L’essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir. [2]
Clément Willemin, mai 2020
[1 ]Dans La dimension cachée de Edward T. Hall (1914-2009), l’anthropologue américain nous explique en 1966 que les distances observées entre les personnes répondent à des différences culturelles. La France y est décrite comme le pays des espaces réduits, des bars bondés et des habitacles automobiles étriqués. Si en France la DGS (Direction Générale de la Santé) s’en tient au minimum de 1 m prescrit par L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), nos voisins belges et allemands appliquent 1,5 m de distance, que les Suisse, les Italiens et les Américains portent à 2 m.
Voir Libération du 11/04/2020 : Pourquoi la distanciation sociale varie-t-elle d’un pays à l’autre
Voir Libération du 11/04/2020 : Pourquoi la distanciation sociale varie-t-elle d’un pays à l’autre
[2]Antoine de Saint-Exupéry. Le petit prince, 1943