La question de notre lieu de vie nous frappe en plein cœur avec la crise du COVID-19. Beaucoup d’architectes, et ils ont raison, appelle à renverser la table des coûts de construction, des typologiques imposées et des us et coutumes résumant l’espace extérieur à un lieu réduit car il ne rapporte pas. Tous ces points sont défendus depuis plusieurs années par les guides Anne Lacaton et Jean Philippe Vassal qui nous ont prouvé que dans le logement neuf, ou dans la réhabilitation du patrimoine moderne nous pouvions penser autrement le quadriptyque cout ; espaces généreux ; écologie ; lieu extérieur.
La plupart de la population contemporaine vit cependant dans les villes caractérisées par un tissu bâti important. Paris par exemple est une ville « finie » ou où l’on ne construira plus beaucoup de logement neuf ; les centres villes des principales communes de France sont également constitués. Se pose alors la question de la transformation du déjà là, de notre patrimoine. Si l’action sur le levier de la surface semble atteignable même dans la réhabilitation et dans la transformation, celui de l’espace extérieur pour tous est plus difficile à imaginer. Comment ajouter un balcon à de l’haussmannien qui n’en a pas ? Est-il raisonnable de densifier l’espace des cœurs d’ilot pour ajouter des terrasses ?
La crise sanitaire du COVID-19 et ses questions sur notre cadre de vie s’additionne à la plus grande crise vécu par l’humanité depuis des siècles : celle du réchauffement climatique. L’écologie a un impact sur nos modes de vie, sur notre façon de consommer, sur notre façon de construire, mais également et plus particulièrement sur nos modes de déplacement. La voiture avec moteur à combustion que l’on utilise seul pour des déplacements courts doit disparaître. Cela va entrainer une modification radicale de nos espaces publics avec plus de 50% des places de stationnement aérien « récupérable » pour de nouveaux usages dans certaines villes, sans compter certaines rues où les voitures pourraient carrément disparaître.
A Paris, dès demain, c’est ce sont 60 hectares (40 terrains de foot) qui pourront d’abord servir à répondre directement à la crise dans la crise grâce un urbanisme très tactique qui permettra :
- l’élargissement des trottoirs pour une meilleure distanciation
- la création de piste cyclable pour favoriser le transport individuel est et désengorger les transports en commun
Mais ces espaces disponibles au pied de nos appartements ne peuvent ils pas, si l’ont va plus loin, devenir les surfaces en plus, les terrasses, les serres, les salons urbains de ceux qui n’en ont pas, de nouveaux terrains de jeux pour chacun ?
Cette hypothèse de domestication de l’espace public pose un certain nombre de questions, il ne s’agit bien sur pas d’en privatiser une partie pour les habitants souvent aisés des centres villes mais bien d’envisager un agrandissement de notre cellule de vie. Ainsi une réponse à la question d’aller prendre l’air, ou de trouver de l’espace pour que jouent les enfants pourrait être apportée par de nouveaux espaces généreusement perdus depuis quelques décennies..
Des exemples de récupération des espaces publics fleurissent à travers le monde, à Milan, à Madrid, à Barcelone et Amsterdam, alors qu’ils existent depuis longtemps en Amérique du Sud (espace attribué dans la rue devant les maisons) ou en Asie (pratique du sport sur les trottoirs au petit matin, pots de fleurs posés). Il s’agit par ailleurs de croire en un avenir ou les relations spatiales et humaines proches seraient privilégiés, et ou les interactions entre les personnes ne se généraliseraient pas à travers un écran de 12 pouces.
Une nouvelle donne où la ville reprend sa vocation première, immédiate, palpable, partagée, à chaque coin de rue.
Elle ne doit plus être la certitude d’un ailleurs ; elle doit aussi être la promesse d’un ici.
Nicolas Guérin, Avril 2020