« Après l’escalier, l’ascenseur, le tuyau et le rideau, nous aborderons cette année la porte, la rampe, le balcon et le garde-corps... Ces éléments seront considérés comme des dispositifs orthopédiques cherchant à nous transformer, à nous éduquer. Ainsi la porte ne doit pas être comprise comme une simple découpe dans un mur mais comme un seuil qui nous prépare psychologiquement au passage d’un espace à un autre. Elle s’ouvre sans transition en jouant sur la surprise ou se développe comme une succession de séquences déterminant un parcours. De même, la rampe n’est pas une simple circulation, elle implique un mouvement presque processionnel, imprimant un rythme, une chorégraphie aux corps qui l’empruntent. Quant au balcon, il ne doit pas être appréhendé comme un simple prolongement du logement. C’est un espace autre, un lieu des possibles indispensable à la constitution de l’imaginaire d’une habitation contemporaine. Enfin le garde-corps, en empêchant les gens de tomber dans le vide et en les immunisant contre le vertige, réaffirme le caractère maternel et protecteur de toute architecture.
En parcourant des exemples puisés çà et là dans l’histoire et dans la production récente, nous verrons comment chacun de ces éléments hétérogènes cherche à se présenter comme principiel ... » - Richard Scoffier
COURS #3 : LE BALCON
Cet appendice qui met l’alignement des façades en crise, souvent considéré comme un dépôt ou sont exilés les réfrigérateurs en panne et les vélos, revient sur le devant de la scène après la période de confinement imposée par la récente pandémie.
Il apparait comme un reliquat du jardin de la maison individuelle, du paradis perdu ou de l’habitat à l’air libre de nos ancêtres nomades du paléolithique : un espace supplémentaire indispensable au déploiement de la dimension imaginaire de toute habitation.
Son histoire est jonchée d’exemples particulièrement frappants : comme cette cour de récréation, suspendue par des haubans au bloc des salles de classes, proposée par Hannes Meyer et Hans Wittwer pour l’école Sant Pierre de Bâle en 1928. Ou ces cours fermées disposées en quinconce devant les barres d’habitations construites à Casablanca par l’ARBAT à l’issu de leurs recherche sur l’habitat collectifs des populations autochtones... Tandis que les longs plongeoirs vertigineux dessinés par MVRDV ou par Bjarke Ingels et Julien de Smets dans le Nord de l’Europe lancent leur utilisateurs dans le vide, comme dans un manège de fête foraine...
Enfin nous analyseront l’Arbre Blanc de Sou Fujimoto à Montpellier (2019) et la tour d’Édouard François à Asnières (2022) qui savent inverser la relation de sujétition du balcon à l’habitation.