« Qu’il y a-t-il de commun entre l’escalier, l’ascenseur, le tuyau et le rideau ? S'ils ne sont pas toujours pris pour des éléments essentiels de l’architecture et sont souvent assimilés à de simples équipements fonctionnels, ce sont pourtant des tuteurs, des prothèses qui facilitent et qui cadrent nos relations avec le monde extérieur. Les escaliers ne desservent pas seulement les étages, ils nous permettent de nous élever afin de voir les choses avec un certain recul, une certaine distance ; les ascenseurs ne nous évitent pas seulement la fatigue, ils nous libèrent pour un temps de la pesanteur. Les tuyaux, dont il ne faut pas sous-estimer la symbolique ombilicale, alimentent en fluides nos intérieurs afin qu’ils se définissent comme les milieux les plus favorables à notre développement. Quant aux rideaux, ne croyez surtout pas que l’on puisse les assimiler à des éléments de décoration ! Ils font partie intégrante de l’architecture et nous permettent de vivre à notre propre rythme, en mettant entre parenthèse la tyrannie des jours et des saisons. C’est ce que nous verrons cette année en recherchant dans l’histoire et dans la production récente des exemples d’édifices où ces éléments sont mis au premier plan pour nous accompagner vers notre accomplissement, tout en annonçant les prémisses d’un monde à venir... » - Richard Scoffier
COURS #2 : L'ASCENSEUR
Faisons la généalogie de l’ascenseur. Il trouve son origine dans les mines du XIXe siècle, puis il se développe sous différentes formes dans les attractions foraines. Un enfant de la balle adopté par les architectes et les promoteurs américains pour construire des immeubles de grande hauteur. Ces impresarios sans scrupule n’hésiteront pas à l’exploiter et à le brimer en l’emprisonnant dans les noyaux servants de leurs gratte-ciels et en l’empêchant d’avoir des accélérations brutales ou des sautes d’humeur. Autre son de cloche, chez les constructivistes russes qui le comprendront d’emblée comme un rouage essentiel de leurs projets d’immeubles machines et de leurs scénographies.
Amusons-nous à parcourir les œuvres des architectes qui connaissent son ADN festif et révolutionnaire et savent le mettre en évidence : les capsules de verre lancées comme des fusées dans les atriums piranésiens de John Portman aux États-Unis ou sous l’Arche de la Défense d’Otto von Spreckelsen, les show-rooms montés sur vérins de l’Hayek Center de Shigheru Ban à Tokyo, le lourd et lent monte-charge placé au-dessus de l’entrée de la Sperone Westwater Gallery réalisée par Foster à New-York ou encore les élévateurs conçus par Rem Koolhaas - à la Maison Lemoine à Bordeaux ainsi qu’au Lafayette Anticipations à Paris - qui renverse leur sujétion aux étages dont ils étaient les esclaves.