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« Qu’il y a-t-il de commun entre l’escalier, l’ascenseur, le tuyau et le rideau ? S'ils ne sont pas toujours pris pour des éléments essentiels de l’architecture et sont souvent assimilés à de simples équipements fonctionnels, ce sont pourtant des tuteurs, des prothèses qui facilitent et qui cadrent nos relations avec le monde extérieur. Les escaliers ne desservent pas seulement les étages, ils nous permettent de nous élever afin de voir les choses avec un certain recul, une certaine distance ; les ascenseurs ne nous évitent pas seulement la fatigue, ils nous libèrent pour un temps de la pesanteur. Les tuyaux, dont il ne faut pas sous-estimer la symbolique ombilicale, alimentent en fluides nos intérieurs afin qu’ils se définissent comme les milieux les plus favorables à notre développement. Quant aux rideaux, ne croyez surtout pas que l’on puisse les assimiler à des éléments de décoration ! Ils font partie intégrante de l’architecture et nous permettent de vivre à notre propre rythme, en mettant entre parenthèse la tyrannie des jours et des saisons. C’est ce que nous verrons cette année en recherchant dans l’histoire et dans la production récente des exemples d’édifices où ces éléments sont mis au premier plan pour nous accompagner vers notre accomplissement, tout en annonçant les prémisses d’un monde à venir... » - Richard Scoffier
COURS #4 : LE RIDEAU
Avec les lambris, les tapisseries et les tapis, les rideaux constituaient autrefois l’enveloppe interne douce et soyeuse des palais et des appartements bourgeois décrits par Walter Benjamin. Ils s’attachaient plus spécifiquement à filtrer et à apprivoiser la lumière crue tombant des ouvertures. Mais voilà qu’ils se sont arrachés à cette intimité pour mener une vie plus aventureuse et ont abandonné les tulles et les velours pour des matérialités plus rugueuses : textures métalliques chez Dominique Perrault, cuirs sombres chez Peter Zumthor... Ils sont aussi appréciés pour leurs qualités thermiques et peuvent être employés pour le contrôle des échanges entre intérieur et extérieur : en retenant la chaleur ou au contraire en la rejetant en fonction des saisons tout en impliquant l’habitant dans la tenue de son foyer.
Mais il se sont aussi éloignés de la fenêtre pour devenir totalement autonomes. Ainsi, ils se substituent parfois aux cloisons pour délimiter des espaces éphémères et se mettent au service d’une flexibilité maximale, notamment dans la Salle Polyvalente de Lille-Sud réalisée par Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal. Mais ils peuvent aussi venir au-devant des façades. Ainsi la grande voile blanche frémissant au moindre vent de la Curtain House de Shigheru Ban à Tokyo, la cotte de mailles coulissant devant la grande baie vitrée de la Dutch House de Rem Koolhaas ou le voile sombre, transparent et festonné qui recouvre la structure du centre de musique traditionnelle Dar Al Jinaa réalisé par Office au Bahreïn…