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« Qu’il y a-t-il de commun entre l’escalier, l’ascenseur, le tuyau et le rideau ? S'ils ne sont pas toujours pris pour des éléments essentiels de l’architecture et sont souvent assimilés à de simples équipements fonctionnels, ce sont pourtant des tuteurs, des prothèses qui facilitent et qui cadrent nos relations avec le monde extérieur. Les escaliers ne desservent pas seulement les étages, ils nous permettent de nous élever afin de voir les choses avec un certain recul, une certaine distance ; les ascenseurs ne nous évitent pas seulement la fatigue, ils nous libèrent pour un temps de la pesanteur. Les tuyaux, dont il ne faut pas sous-estimer la symbolique ombilicale, alimentent en fluides nos intérieurs afin qu’ils se définissent comme les milieux les plus favorables à notre développement. Quant aux rideaux, ne croyez surtout pas que l’on puisse les assimiler à des éléments de décoration ! Ils font partie intégrante de l’architecture et nous permettent de vivre à notre propre rythme, en mettant entre parenthèse la tyrannie des jours et des saisons. C’est ce que nous verrons cette année en recherchant dans l’histoire et dans la production récente des exemples d’édifices où ces éléments sont mis au premier plan pour nous accompagner vers notre accomplissement, tout en annonçant les prémisses d’un monde à venir... » - Richard Scoffier
COURS #1 : L'ESCALIER
Rappelons-nous de la Tour de Babel, le réel commencement de l’architecture selon Hegel. Un édifice uniquement conçu pour permettre aux hommes de s’élever le plus haut possible et porter à son paroxysme l’effort inaugural par lequel ils se sont un jour dressés sur leurs pattes arrière pour contempler sereinement l’horizon. Un bâtiment-escalier légendaire qui nous permet de nous interroger, avec le philosophe allemand, sur la finalité de l’architecture, qui est peut-être moins de nous protéger que de nous pousser à avoir une position dominante sur le monde...
Ainsi un monument patrimonial comme l’Opéra de Charles Garnier pourrait-il être analysé dans ce sens, moins comme une salle de spectacle, une caverne de Platon, que comme une suite de degrés assurant l’ascension du public vers une meilleure connaissance de lui-même.
Nous convoquerons les architectures mythiques, classiques, modernes et contemporaines pour les voir comme des dispositifs qui portent, qui soulèvent et qui permettent à l’humanité de se dépasser. Nous irons à Brasilia pour voir l’escalier hélicoïdal du Palais Itamaraty d’Oscar Niemeyer qui, sans le moindre garde-corps, imprime un mouvement ascensionnel à l’ensemble de l’espace. Nous irons à Berlin dans l’ambassade des Pays-Bas dont la circulation extérieure - composée d’un enchaînement de rampes, d’escaliers de coursives - entraîne le bâtiment dans une vaste spirale constamment alimentée par les flux de personnes qui entrent et sortent des bureaux et des salles de réunion...