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Nous poursuivrons cette année l’inventaire des éléments de l’architecture commencé les années précédentes. Des éléments qui nous permettent de mieux comprendre ce qui est réellement en jeu dans toute œuvre architecturale.
Quel est le lien entre le sol, le baldaquin, la colonne et les toilettes ? Chacun de ces éléments de l’architecture est étroitement associé à une question d’ordre philosophique. Ainsi le sol renvoie-t-il à la nature animale de l’être humain qui vit en osmose avec son milieu. Mais contrairement au loup ou au renard, l’homme ne se contente pas de borner son territoire de ses déjections : il l’aménage et le modifie parfois de fond en comble pour obtenir les surfaces plates et lisses nécessaires à son épanouissement. Le baldaquin ou le dais se glissent au-dessus des têtes de certaines personnes pour les protéger, mais surtout pour les placer dans un environnement à leur mesure. Tandis que la colonne émerge du sol et se dresse afin de figer dans le marbre le moment inaugural où l’être humain en lutte contre l’attraction terrestre se lève sur ses pattes arrière pour dominer le paysage. Quant aux toilettes, elles rendent compte d’un autre corps : un corps qui ne se dresse pas en gloire mais qui s’accroupit pour se connecter aux multiples canalisations ombilicales qui s’enfoncent dans le sol afin d’évacuer ses déjections...
C’est le sens de tous ces baldaquins éphémères dont rend compte la peinture Renaissance et classique, édifiés pour protéger les têtes couronnées, ou de ces multiples dais chargés de velours rehaussé de fils d’or et de perles qui viennent entourer les corps vulnérables des Vierges à l’enfant, notamment peintes par Jan Van Eyck...
Des dispositifs que l’on retrouve aujourd’hui dans l’architecture contemporaine de nos sociétés démocratiques pour protéger et mettre en valeur les citoyens anonymes. Ainsi le drap de béton tendu entre deux rangées de pylônes par Alvaro Siza et Eduardo Soto de Moura pour l’Exposition Universelle de Lisbonne en 1998 ; la voute suspendue à son portique réalisée en 2002 par Paulo Mendes da Rocha sur la place des Patriarches à São Paulo ; l’ombrière-miroir en inox poli de Norman Foster flottant sur le quai du vieux port de Marseille (2013) ou le préau de la petite école Vieilley réalisé par Bernard Quirot en 2003 qui parvient à hisser les enfants à la hauteur des montagnes qui les entourent...