Une cour parisienne.
Construire 91 logements sociaux, des commerces, un parc de stationnement automobile souterrain et une crèche de 66 berceaux (...) est à la fois l’énoncé d’un programme mais aussi une exigence et une ambition.
Comment faire pour que
cette architecture appartienne à ce lieu en particulier
et soit un témoignage des exigences et des savoir-faire de notre
temps, qu’elle soit d’ici et d’aujourd’hui ? Dès les premières
études, le projet fut envisagé comme une tentative de
renouvellement d’un îlot parisien. Visitant la ville alentour pour
saisir ce qui pourrait constituer l’esprit même du petit métrage de
tissu urbain que nous avions la responsabilité de
concevoir, nous allions collectant des images, celles de façades à
pans de bois, de cours profondes envahies de vigne vierge,
de constructions à la rationalité toute industrielle… Longtemps, nous
avons conservé ce collage photographique de situations
construites libres et inventives, comme l’arrière-plan de nos études.
Il y avait également, alors que nous avions remporté la consultation, un
site encore construit, et en descendant la rue du Faubourg-du-Temple, on
découvrait un angle, assemblage hasardeux et pittoresque de constructions
basses occupées par un marchand de primeurs, qui semblait
s’avancer au travers de la rue, à cet endroit brusquement
rétréci. De la cour et des petits ateliers délabrés qui s’y succédaient
comme du morne alignement d’immeubles insalubres de la rue Bichat, il ne devait
rien rester, si ce n’est le souvenir que nous en avions gardé. En donnant
à lire la grande profondeur de la parcelle, sans
doute avons-nous réinterprété ces contrastes et ces traces.
Aujourd’hui, six ans plus tard, à l’emplacement précis de l’abaissement du trottoir du bateau de l’ancienne porte cochère, une
ouverture toute en hauteur, rue du Faubourg-du Temple, laisse
voir un jardin en cœur d’îlot encadré par deux immeubles
légèrement différents, on y voit des constructions basses au toit
planté abritant la crèche. L’ensemble compose une perspective qui associe les avoisinants aux aménagements
récents.
La nécessité d’une densité associée à celle d’une qualité environnementale nous a conduits à favoriser une forme de compacité des constructions et à rechercher une certaine simplicité des bâtiments comme de l’ensemble des aménagements en privilégiant le confort d’usage et la pérennité des matériaux et notamment leur capacité à bien vieillir. En effet, les matériaux pour être vraiment pérennes ne doivent pas seulement résister au temps qui passe mais subir agréablement ses assauts.
Trois bâtiments constituent l’essentiel des volumes construits. Le premier, implanté le long de la rue Bichat, s’adosse au mitoyen du numéro onze de la rue pour se développer jusqu’à l’ouverture sur la cour rue du Faubourg-du-Temple. Le deuxième, implanté parallèlement au premier, s’adosse sur sa longueur aux pignons aveugles des constructions voisines pour s’ouvrir sur la cour. Ces deux bâtiments s’élèvent sur cinq niveaux au-dessus du rez-de-chaussée. Ils sont composés au rez-de chaussée d’une succession de vitrines, d’un premier étage formant entresol, de trois étages courants et d’un attique. La crèche est conçue comme une maison ouverte sur de petits jardins, elle se glisse sous le bâtiment depuis la rue Bichat pour se développer dans la cour délimitée par les hauts murs des propriétés mitoyennes dont les appareillages maçonnés ont été restaurés. Son toit planté constitue un filtre végétal qui protège le jardin des enfants depuis les façades des logements. Tous les espaces de service s’éclairent naturellement depuis la rue ou les patios plantés. Les pièces réservées aux enfants s’abritent sous une construction en bois aux tons clairs dont la façade vitrée s’ouvre largement sur une cour jardinée. Pour éviter que le choix de la technique d’isolation par l’extérieur ne se traduise par un effet d’emballage souvent systématique des volumes, nous avons choisi une technique de construction mixte. La structure intérieure est en béton armé depuis les sous-sols jusqu’à la dalle du dernier plancher, les façades, l’attique et la partie de la crèche édifiée dans la cour sont en ossature bois. Nous avons fait en sorte que les revêtements, qu’ils soient en bois à clins fermés ou ajourés, en fibrociment ou en zinc, soient en relation avec la structure qui parfois est dévoilée dans les cages d’escalier ou dans les loggias et qui est toujours rendue perceptible par l’agencement des matériaux qui s’inscrivent dans une discipline constructive qui rythme l’ensemble. La longue façade sur la rue Bichat se décline ainsi en sous-ensembles, qui, par leur échelle propre, s’accordent aux immeubles voisins souvent de taille plus modeste.
Les façades des bâtiments de logements sont réalisées en panneaux à ossature de bois. Celles de l’immeuble de la rue Bichat sont revêtues de petites lames de mélèze posées à clin. Le rythme vertical prononcé de l’assemblage des lames organise la disposition de tous les éléments constitutifs des façades. Les ouvertures sont des portes fenêtres côté rue et côté cour, à l’exception du premier niveau dont l’allège prolonge la vitrine des commerces et des locaux situés au rez-de-chaussée. Chaque baie est équipée de stores à jalousies en aluminium qui, grâce à leurs commandes électriques, permettent à chacun de ménager aisément des transitions entre l’ombre et la lumière. Sur la rue, la succession des escaliers à l’air libre et des loggias rythme la grande dimension du bâtiment. Au rez-de-chaussée, les halls d’entrée des logements et la façade de la crèche sont revêtus de produits verriers supportés par une ossature de bois en continuité des vitrines des commerces. Ce dispositif se retourne sur la cour où les décrochements de la façade et les jeux des balcons et des terrasses permettent à chaque logement de gagner une forme d’intimité en dépit de la grande dimension de l’immeuble.
Le bâtiment sur cour rue du Faubourg-du-Temple, répond aux mêmes règles constructives à la différence notable qu’ici les clins de bois sont remplacés par des panneaux de fibrociment calepinés sur une hauteur d’étage, les escaliers sont abrités par une ossature métallique supportant des ventelles d’acier galvanisé, introduisant une forme de variété à partir d’un thème commun.
On notera que les deux immeubles le long de la rue du Faubourg-du-Temple, tous deux édifiés sur un parking en ouvrage sont implantés en respectant la pente du terrain. Ils sont ainsi inscrits dans la continuité des immeubles qui constituent le front bâti de la rue.
L’attique, en retrait par rapport à l’alignement de la rue, est construit en bois revêtu de zinc à joints debout dans la tradition des toits parisiens. Plissés en forme de sheds et soulignés par le dessin des garde-corps métalliques, ils s’inspirent du vocabulaire des ateliers et intègrent les capteurs solaires thermiques et photovoltaïques qui sont ainsi accessibles en toute sécurité.
Les parties communes sont réduites à leur plus simple expression, les halls d’entrée, de dimensions modestes, sont décorés avec attention. De fines lames de contreplaqué peintes en argent rappellent les motifs de la façade à clins de bois. Les escaliers, qui desservent chacun une quinzaine d’appartements, sont des cheminements ouverts sur le paysage de la rue ou de la cour que l’on voit au travers des ventelles de bois ou d’acier galvanisé. Dans leur majorité, les appartements sont « traversants ». Le séjour et la cuisine, disposés en vis-à-vis, donnent à voir la fenêtre sur cour et celle sur rue. Chaque pièce ouvre sur une terrasse, un balcon ou une loggia, celles qui sont situées à l’angle de la rue ou de la cour, le long du Faubourg, sont prolongées par des bow-windows. L’ossature de bois de la façade de l’immeuble et son revêtement de clins prendront au fil du temps une teinte argentée, s’accordant en un jeu de nuances de gris avec l’ensemble des matériaux et notamment l’acier galvanisé, le zinc, l’aluminium anodisé et les panneaux de fibrociment.
Le jardin est dessiné. Dans la cour où les salles de la crèche portent des noms d’arbres, chaque plante est nommée, pour que chacun reconnaisse les féviers qui profitant de la pleine terre composent un alignement libre jusqu’au fond de la parcelle, accompagnés de poiriers à fleurs et surplombés par les bosquets légers d’amélanchiers plantés sur le toit de la crèche et les érables du Japon qui croissent à l’abri des courants d’air dans les patios. Chaque pavé, chaque clôture ou chaque édicule est à sa place pour composer une naturelle complicité avec la ville. Depuis les toits plantés de sedum jusqu’ au trottoir de la rue Bichat où le béton et l’asphalte vont bientôt être ouvert pour laisser passer, au pied de la façade, une bande fertile qui sera plantée de vivaces et de grimpantes et entretenue par les riverains inaugurant dans la capitale les possibilités nouvelles du permis de végétaliser.
Le chantier qui se termine a été conduit pour que le projet soit réalisé conformément aux attendus du dossier marché qui avait fait, jusqu’à la négociation avec les entreprises choisies, l’objet d’études longues, détaillées et précises. Il a été le lieu d’une interprétation jusque dans les moindres détails de tout ce qui avait été prévu et étudié. C’est ainsi que chaque chose porte la trace de la main qui l’a réalisée. A la volonté de laisser la marque du temps déposer sa patine sur les matières s’ajoute celle visible les assemblages, les accroches, les raccords, pour que ces deux attentions conjuguées dessinent une esthétique construite. Au contraire la tentation de l’habillage, c’est l’expression de la fabrique des choses qui fait l’objet de toutes les attentions. C’est le sens de l’implication de l’équipe de maîtrise d’œuvre dans la réalisation de l’ensemble en phase chantier. Il est à noter que le budget des travaux a été respecté, seules des évolutions du programme ont donné lieu à des ajustements de l’enveloppe budgétaire.
Sur les portes, une petite plaque signale et repère chaque logement ; un porte étiquette y est fixé qui permet à chacun de glisser, son nom, un dessin, une image, un signe de reconnaissance pour dire que le chantier fini, une nouvelle histoire commence, celle pour laquelle cette architecture a été conçue et construite."
Gentilly, le 11 avril 2016, Alexandre Chemetoff
La nécessité d’une densité associée à celle d’une qualité environnementale nous a conduits à favoriser une forme de compacité des constructions et à rechercher une certaine simplicité des bâtiments comme de l’ensemble des aménagements en privilégiant le confort d’usage et la pérennité des matériaux et notamment leur capacité à bien vieillir. En effet, les matériaux pour être vraiment pérennes ne doivent pas seulement résister au temps qui passe mais subir agréablement ses assauts.
Trois bâtiments constituent l’essentiel des volumes construits. Le premier, implanté le long de la rue Bichat, s’adosse au mitoyen du numéro onze de la rue pour se développer jusqu’à l’ouverture sur la cour rue du Faubourg-du-Temple. Le deuxième, implanté parallèlement au premier, s’adosse sur sa longueur aux pignons aveugles des constructions voisines pour s’ouvrir sur la cour. Ces deux bâtiments s’élèvent sur cinq niveaux au-dessus du rez-de-chaussée. Ils sont composés au rez-de chaussée d’une succession de vitrines, d’un premier étage formant entresol, de trois étages courants et d’un attique. La crèche est conçue comme une maison ouverte sur de petits jardins, elle se glisse sous le bâtiment depuis la rue Bichat pour se développer dans la cour délimitée par les hauts murs des propriétés mitoyennes dont les appareillages maçonnés ont été restaurés. Son toit planté constitue un filtre végétal qui protège le jardin des enfants depuis les façades des logements. Tous les espaces de service s’éclairent naturellement depuis la rue ou les patios plantés. Les pièces réservées aux enfants s’abritent sous une construction en bois aux tons clairs dont la façade vitrée s’ouvre largement sur une cour jardinée. Pour éviter que le choix de la technique d’isolation par l’extérieur ne se traduise par un effet d’emballage souvent systématique des volumes, nous avons choisi une technique de construction mixte. La structure intérieure est en béton armé depuis les sous-sols jusqu’à la dalle du dernier plancher, les façades, l’attique et la partie de la crèche édifiée dans la cour sont en ossature bois. Nous avons fait en sorte que les revêtements, qu’ils soient en bois à clins fermés ou ajourés, en fibrociment ou en zinc, soient en relation avec la structure qui parfois est dévoilée dans les cages d’escalier ou dans les loggias et qui est toujours rendue perceptible par l’agencement des matériaux qui s’inscrivent dans une discipline constructive qui rythme l’ensemble. La longue façade sur la rue Bichat se décline ainsi en sous-ensembles, qui, par leur échelle propre, s’accordent aux immeubles voisins souvent de taille plus modeste.
Les façades des bâtiments de logements sont réalisées en panneaux à ossature de bois. Celles de l’immeuble de la rue Bichat sont revêtues de petites lames de mélèze posées à clin. Le rythme vertical prononcé de l’assemblage des lames organise la disposition de tous les éléments constitutifs des façades. Les ouvertures sont des portes fenêtres côté rue et côté cour, à l’exception du premier niveau dont l’allège prolonge la vitrine des commerces et des locaux situés au rez-de-chaussée. Chaque baie est équipée de stores à jalousies en aluminium qui, grâce à leurs commandes électriques, permettent à chacun de ménager aisément des transitions entre l’ombre et la lumière. Sur la rue, la succession des escaliers à l’air libre et des loggias rythme la grande dimension du bâtiment. Au rez-de-chaussée, les halls d’entrée des logements et la façade de la crèche sont revêtus de produits verriers supportés par une ossature de bois en continuité des vitrines des commerces. Ce dispositif se retourne sur la cour où les décrochements de la façade et les jeux des balcons et des terrasses permettent à chaque logement de gagner une forme d’intimité en dépit de la grande dimension de l’immeuble.
Le bâtiment sur cour rue du Faubourg-du-Temple, répond aux mêmes règles constructives à la différence notable qu’ici les clins de bois sont remplacés par des panneaux de fibrociment calepinés sur une hauteur d’étage, les escaliers sont abrités par une ossature métallique supportant des ventelles d’acier galvanisé, introduisant une forme de variété à partir d’un thème commun.
On notera que les deux immeubles le long de la rue du Faubourg-du-Temple, tous deux édifiés sur un parking en ouvrage sont implantés en respectant la pente du terrain. Ils sont ainsi inscrits dans la continuité des immeubles qui constituent le front bâti de la rue.
L’attique, en retrait par rapport à l’alignement de la rue, est construit en bois revêtu de zinc à joints debout dans la tradition des toits parisiens. Plissés en forme de sheds et soulignés par le dessin des garde-corps métalliques, ils s’inspirent du vocabulaire des ateliers et intègrent les capteurs solaires thermiques et photovoltaïques qui sont ainsi accessibles en toute sécurité.
Les parties communes sont réduites à leur plus simple expression, les halls d’entrée, de dimensions modestes, sont décorés avec attention. De fines lames de contreplaqué peintes en argent rappellent les motifs de la façade à clins de bois. Les escaliers, qui desservent chacun une quinzaine d’appartements, sont des cheminements ouverts sur le paysage de la rue ou de la cour que l’on voit au travers des ventelles de bois ou d’acier galvanisé. Dans leur majorité, les appartements sont « traversants ». Le séjour et la cuisine, disposés en vis-à-vis, donnent à voir la fenêtre sur cour et celle sur rue. Chaque pièce ouvre sur une terrasse, un balcon ou une loggia, celles qui sont situées à l’angle de la rue ou de la cour, le long du Faubourg, sont prolongées par des bow-windows. L’ossature de bois de la façade de l’immeuble et son revêtement de clins prendront au fil du temps une teinte argentée, s’accordant en un jeu de nuances de gris avec l’ensemble des matériaux et notamment l’acier galvanisé, le zinc, l’aluminium anodisé et les panneaux de fibrociment.
Le jardin est dessiné. Dans la cour où les salles de la crèche portent des noms d’arbres, chaque plante est nommée, pour que chacun reconnaisse les féviers qui profitant de la pleine terre composent un alignement libre jusqu’au fond de la parcelle, accompagnés de poiriers à fleurs et surplombés par les bosquets légers d’amélanchiers plantés sur le toit de la crèche et les érables du Japon qui croissent à l’abri des courants d’air dans les patios. Chaque pavé, chaque clôture ou chaque édicule est à sa place pour composer une naturelle complicité avec la ville. Depuis les toits plantés de sedum jusqu’ au trottoir de la rue Bichat où le béton et l’asphalte vont bientôt être ouvert pour laisser passer, au pied de la façade, une bande fertile qui sera plantée de vivaces et de grimpantes et entretenue par les riverains inaugurant dans la capitale les possibilités nouvelles du permis de végétaliser.
Le chantier qui se termine a été conduit pour que le projet soit réalisé conformément aux attendus du dossier marché qui avait fait, jusqu’à la négociation avec les entreprises choisies, l’objet d’études longues, détaillées et précises. Il a été le lieu d’une interprétation jusque dans les moindres détails de tout ce qui avait été prévu et étudié. C’est ainsi que chaque chose porte la trace de la main qui l’a réalisée. A la volonté de laisser la marque du temps déposer sa patine sur les matières s’ajoute celle visible les assemblages, les accroches, les raccords, pour que ces deux attentions conjuguées dessinent une esthétique construite. Au contraire la tentation de l’habillage, c’est l’expression de la fabrique des choses qui fait l’objet de toutes les attentions. C’est le sens de l’implication de l’équipe de maîtrise d’œuvre dans la réalisation de l’ensemble en phase chantier. Il est à noter que le budget des travaux a été respecté, seules des évolutions du programme ont donné lieu à des ajustements de l’enveloppe budgétaire.
Sur les portes, une petite plaque signale et repère chaque logement ; un porte étiquette y est fixé qui permet à chacun de glisser, son nom, un dessin, une image, un signe de reconnaissance pour dire que le chantier fini, une nouvelle histoire commence, celle pour laquelle cette architecture a été conçue et construite."
Gentilly, le 11 avril 2016, Alexandre Chemetoff